Les auteurs : Adrien Morel

Interview d’Adrien MOREL : réponse aux questions fréquentes

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Q : Que signifie le terme « passeur », quand vous vous présentez en tant que Adrien
Morel, « passeur » ?

 

A.M : Je me suis présenté en fait quelquefois en plaisantant en tant que « passeur vers le prochain monde ». Il est vrai que cette formule résume assez bien ma démarche.

 

Je suis originaire d’une région, le Golfe du Morbihan où se trouvent de nombreuses îles, cernées de violents courants. J’ai toujours été fasciné par le métier des passeurs. Dont le rôle est de permettre aux gens qui habitent dans les îles de rentrer chez eux ou d’en sortir, à n’importe quel moment de l’année, pratiquement à n’importe quelle heure en cas de nécessité et par tous les temps.

 

Ce sont de petites traversées, mais de véritables navigations, malgré leur répétitivité apparente. Je suis sensible à la noblesse de ce métier. Le passeur est celui qui permet à l’homme de sortir du petit espace où il vit, afin d’aller parcourir, explorer et conquérir le vaste monde. Et de revenir s’abriter, se reposer ou se réfugier dans son île. Si j’avais été marin je crois que j’aurais aimé être passeur.

 

Je suis par ailleurs persuadé que nous vivons actuellement une période charnière entre un monde qui disparaît et un autre en train de naître. Exactement comme à la Renaissance, qui a vu disparaître le Moyen-Âge et surgir un monde nouveau. Nous sommes contemporains d’une nouvelle Renaissance. C'est-à-dire d’une nouvelle articulation dans la civilisation.

Cela génère du désarroi. Beaucoup de gens en sont inquiets. Ils savent ce qu’ils perdent, mais ne perçoivent pas ce qui advient.

Je voudrais à la fois les rassurer -je suis incorrigiblement optimiste- et les aider à comprendre ce que sera ce prochain monde et en quoi nous pouvons faire en sorte qu’il constitue un progrès pour la civilisation. J’ai résumé cette attitude dans la formule de « passeur vers le prochain monde ».

 

En y réfléchissant pour répondre à votre question, je trouve en outre, tout d’un coup, au couple formé par l’île et le passeur une valeur de métaphore oedipienne à laquelle je n’avais jamais pensé jusque là. Une île est un petit monde fermé, isolé, coupé du monde, protecteur. Il a une dimension maternelle.

Le passeur est celui qui la préserve, qui la protège. Le jour ou le passeur est remplacé par un pont, l’île n’est plus une île, elle perd une partie de son identité. Elle devient ouverte à toutes les intrusions. Le passeur protège l’insularité.

 

En même temps, les iles, d’autant plus qu’elles sont proches du continent comme c’est le cas des Iles bretonnes, en sont complètement dépendantes pour leur survie. L’alimentation, les matériaux de construction, les services ou même les emplois viennent ou dépendent du continent.

Par le lien qu’il constitue, le passeur assure la vie de l’île. Il la maintient en vie. Par son va et vient permanent, le passeur féconde l’île, lui donne et y entretient la vie.

 

C’est lui aussi qui ouvre l’accès au monde. Qui permet la communication, l’échange, au quotidien. Lui qui permet au petit gars ou à la petite fille de l’Ile d’aller au collège sur le continent, d’y poursuivre ses études.
De partir finalement à la découverte et à la conquête du monde. Comme tous les marins qui s’arrachent à leur Ile pour chercher des embarquements qui leur feront parcourir les océans. Ou tout simplement de sortir du milieu marin pour devenir instituteur. Le passeur protège du monde et ouvre l’accès au monde. Dans une perspective oedipienne, quelle meilleure métaphore pour le rôle de père ?

 

Au delà même de cette dimension psychologique, le passeur n’est pas l’homme qui conquiert le monde, mais il est celui qui ouvre aux autres l’accès à cette conquête. Quelle plus belle ambition pour un homme et en particulier un homme passionné par des sciences en train de se constituer ?

 

Q : Vous vous référez beaucoup aux sciences humaines, quel est votre bagage dans ce domaine ?

 

A.M : J’ai une formation initiale de psychologue clinicien. Un cursus universitaire complet : Deug, licence, maîtrise, puis DESS de psychologie clinique. A la suite de quoi j’ai travaillé comme psychologue en milieu hospitalier, dans différents établissements, auprès d’enfants et d’adultes psychotiques.

Par ailleurs, après avoir quitté l’université, j’ai continué à fréquenter pendant plusieurs années les milieux lacaniens, j’ai même été affilié successivement aux Séminaires Psychanalytiques de Paris puis à l’Ecole de la Cause Freudienne. Je me suis formé auprès d’eux à la psychanalyse.

Parallèlement à mes études de psychologie, j’ai suivi également un cursus de sciences du langage : licence, maîtrise, puis plus tard un DEA. Avec une spécialisation en épistémologie, discipline qui étudie la «scientificité» des sciences.

 

Ensuite, après avoir travaillé plusieurs années en psychiatrie, j’ai hésité entre faire la révolution dans la psychiatrie et aller voir ailleurs. Ce que j’ai finalement jugé plus raisonnable. J’ai donc passé un autre DESS, en gestion d’entreprises, pour évoluer vers des fonctions de marketing, en cabinets d’études et en entreprises.
J’y ai découvert et pratiqué la psychosociologie du consommateur.

 

Q : Dans votre livre «Dieu et l’Homme», vous présentez la Théorie de la Médiation du professeur Jean Gagnepain. Que représente-t-il pour vous ?

 

A.M : Incontestablement, c’est le professeur Gagnepain qui m’a formé intellectuellement. C’est lui qui m’a fait découvrir et initié à l’épistémologie.

Epistémologie n’est pas un gros mot. L’épistémologie, qui je le rappelle étudie la «scientificité» des sciences, est à mes yeux la discipline reine.

 

Particulièrement en cette période trouble où les sciences humaines sont en cours de constitution et hésitent précisément sur la façon dont elles vont pouvoir se constituer et se définir comme sciences. Jean Gagnepain est l’auteur d’une théorie fabuleuse. Je le considère comme faisant partie des grands penseurs de l’humanité, au moins au même titre que Freud.

 

Dans tous les domaines, l’unique moyen de résoudre les problèmes est de les poser convenablement.
Or notre époque patauge, la civilisation est en panne. Gagnepain nous a laissé avec la Théorie de la Médiation un outil absolument extraordinaire pour la compréhension de l’humain. Cet outil est dramatiquement méconnu.

 

J’ai donc conçu mes livres comme une initiation à la théorie de la Médiation du professeur Jean Gagnepain, à destination du grand public. En particulier «Dieu et l’Homme» que j’ai écrit pour être «Le manuel» de référence de la théorie. J’y présente la théorie de la médiation en expliquant de manière imagée ses principaux concepts.

Tandis que dans « L’Athéisme, fin du religieux ou avenir de la religion ?», destiné à une lecture plus simple, je n’emploie aucun concept théorique.

 

Q : Vous semblez beaucoup attendre de cette théorie ?

 

A.M : Bien sur. Ou plus exactement, j’attends beaucoup de l‘appropriation de cette théorie par la société. Quand les problèmes de société seront convenablement posés, c'est-à-dire posés dans les termes de la théorie de la médiation, la société saura les résoudre.

 

Q : Le fait d’être passé par le marketing après la psychanalyse et l’épistémologie a eu quelles conséquences sur votre démarche ?

 

A.M : L’épistémologie m’a donné un outil intellectuel. Mais la théorie ne vaut que quand elle est partagée. Pour être efficiente elle doit irriguer la société. Le marketing m’a convaincu de la nécessité de m’adresser à tout le monde. Aux gens dans la rue. En faisant l’effort de traduire ou de formuler mon propos pour le rendre accessible à des gens dont ce n’est pas le métier, en allant les chercher par la main.

 

Q : Etes-vous croyant ?

 

AM : Non.

 

Q : Pourquoi écrire sur Dieu si vous n’êtes pas croyant ?

 

A.M : Je développe dans mon livre la réponse à cette question.

 

 

En quelques mots : je pense que les athées se sont arrêtés en chemin, en se contentant de tourner le dos à la religion, au prétexte qu’ils n’y croyaient plus.

D’une part ils ont ainsi abandonné le terrain de Dieu et de la religion à ceux qui y croient et à tous leurs excès possibles. D’autre part les athées se sont retrouvés depuis en panne d’une spiritualité et d’une morale, athées, qu’ils ont jetées avec l’eau du bain.

 

C’est le point de départ de mon raisonnement. Ne plus croire à son origine surnaturelle ne dispense pas de la religion.

C’est la totalité des relations de l’homme avec la nature et la surnature, avec Dieu et la religion, qui doit aujourd’hui être repensée dans une perspective athée, c'est-à-dire rationaliste et scientifique, grâce à l’apport des sciences humaines.

 

Et celle-ci doit reprendre pied sur le terrain de la religion qu’elle a, à tort, abandonné aux croyants de tout poil. J’ajoute qu’il est nécessaire de le faire en adoptant une manière de comprendre et de voir les choses commune aux croyants et aux athées.

 

L’ensemble de mon propos est organisé dans cette perspective : l’avenir de la civilisation passe par une interprétation et même une explication athée de Dieu et de la religion.

 

Athée signifie que cette conception ne nécessite pas que l’on croie en quoi que ce soit de surnaturel.
Mais chacun reste libre d’y ajouter une dimension surnaturelle. Une telle conception de la religion peut ainsi être commune à ceux qui croient en Dieu et à ceux qui n’y croient pas. Leurs positions respectives se différenciant dans une conviction privée (certains continueront de croire au surnaturel) qui se situe au-delà de cette conception commune.

 

Q : Vous proposez dans vos livres une explication rationnelle de la religion, mais à aucun
moment vous n’abordez la question de la foi, ou même du besoin de croire, est-ce volontaire ?

 

AM : Bien sûr. Je laisse délibérément hors de mon propos la question de la foi.

D’une part parce que beaucoup de choses ont été écrites sur le sujet et que le besoin de croire ou même l’expérience de la foi, relèvent à mes yeux de mécanismes psychologiques subjectifs à la compréhension desquels je n'ai rien à ajouter.

 

D’autre part parce que je souhaite dans l’interprétation que je propose de la religion préserver la possibilité de la foi. Je m’attache à proposer une conception de la religion rationnellement acceptable aussi bien par les athées que par les croyants éclairés. Je laisse donc la question de la foi elle-même hors de mon propos.

 

Mon raisonnement est le suivant: tant qu'il y aura des hommes, ils auront besoin de croire. La seule chose que l'on puisse faire est de faire évoluer la nature et le contenu de leurs croyances. Ma démarche consiste donc à déplacer ce contenu, du surnaturel vers l'anthropologie.

 

Je préserve ainsi la possibilité de la foi mais j’en modernise les termes. Y compris pour les croyants eux même qui vont devoir se débarrasser d’une bonne partie de l’irrationnel et du surnaturel qui caractérisaient jusqu’à présent les convictions religieuses.

 

L’enjeu est d’entrer dans une nouvelle ère de la civilisation dans laquelle les religions auront leur place, mais à la condition de sortir de ce que je considère comme leur préhistoire intellectuelle. Dans le sens où nous partageons encore aujourd’hui, que l’on soit croyant ou non, une manière de penser la religion qui nous vient directement de la préhistoire. Il est temps d’en sortir.

Les sociétés humaines auront tout à y gagner. Cela représente pour elles une prochaine étape, plus
« moderne » dans la conception qu’elles auront de la religion. Pour les athées comme pour les croyants. Et par conséquent pour leurs civilisations.

 

Vous en trouverez la présentation dans mes livres.

 

Q : Je vous remercie.



 

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